Sénégal : la crise pré-électorale de toutes les interrogations
Bien que classé en tant que pays relativement stable dans un environnement régional mouvementé, le Sénégal connaît tout de même des tensions régulières à l’approche d’échéances électorales. Les élections législatives de fin juillet 2022 ne font pas exception à la règle. Aujourd’hui, la question du rejet de certaines listes depuis l’accomplissement des formalités de dépôt au mois de mai, fait sensation aussi bien au sein de l’intelligentsia sénégalaise que des profanes du domaine politique. Malgré les recours en justice, le Conseil constitutionnel a publié deux décisions relatives à la validité des listes déposées. Plus précisément, la liste de la coalition d’opposition de Yewwi Askan Wi avait été invalidée par la Direction Générale des Élections pour violation de la règle paritaire; mais le Conseil autorise à ladite coalition de modifier sa liste. Concernant la seconde décision, elle concerne le recours intenté par les partis d’opposition contre la liste de Benno Bokk Yakaar (coalition au pouvoir), dont le nombre de parrainages déposés excédait le nombre requis par la loi. Ce dernier recours est jugé irrecevable.
Néanmoins, ces décisions de justice ne signent pas, pour autant, la fin des tensions. L’opposition se radicalise et se mobilise pour des manifestations en se basant sur les dispositions de la Constitution sénégalaise au moment où l’administration territoriale, elle, interdit les rassemblements sur la voie publique s’appuyant sur un article du code électoral.
Il s’installe un flou au point où le code électoral semble de plus en plus confus pour la population, mais aussi pour les partis politiques. Ainsi, en vue des élections présidentielles de 2024, nombre d’experts appellent à clarifier certaines dispositions-clés de ce code afin de réduire le risque de violences politiques que peut entraîner le contentieux électoral.
A côté de ce contexte pré-électoral tendu, les conséquences de la guerre en Europe affectent le continent africain et les autorités sénégalaises ne cachent plus que le pays est rudement touché. En effet, selon l’association Actionaid, la hausse des prix sur le continent relative à la guerre Russo-Ukrainienne sera plus importante que la moyenne mondiale. C’est ainsi que, lorsque que le Secrétaire général des Nations Unies s’est rendu au Sénégal, début mai, il affirme : « quand on évoque la situation socio-économique, il est impossible de ne pas aborder la guerre en Ukraine et son impact sur l’Afrique » et se dit préoccupé par la situation, sachant que ces crises économiques peuvent engendrer une instabilité accrue dans des pays déjà en crise, comme c’est le cas de nombre de pays du Sahel.
En plus de cette situation économique tendue, le pays encourt de réels risques de troubles sociaux et politiques. L’impasse actuelle de l’invalidation de la liste des titulaires de la coalition Yewwi Askan Wi pour défaut de parité de même que la validation jugée injuste de celle de la coalition au pouvoir risquent de mener le pays vers un bras de fer dont l’issue est incertaine. Le pays tant de fois cité comme un modèle démocratique dans la région est aujourd’hui à la croisée des chemins avec des risques réels de troubles voire d’instabilité politique.
Pour Dr. Bakary Sambe : “Un dialogue multi-acteurs s’impose si l’on ne veut pas aller vers une situation inextricable. Il faudra d’abord une entente au sein de l’opposition pour concilier les positions des “validés” et des “invalidés” et ensuite entre cette opposition pour l’heure divisée et la coalition au pouvoir qui doit aussi faire des efforts en termes de décrispation comme l’opposition qui doit entendre les nombreuses voix pour une désescalade préalable au dialogue”
Source : Météo Sahel et Afrique de l’Ouest – Timbuktu Institute – Juillet 2022