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La sécurité humaine en Côte d’Ivoire à l’épreuve d’un système éducatif et sanitaire fragile

Par Déborah Marie-Estelle N’GUESSAN 

Le concept de sécurité humaine a été rudement mis à l’épreuve en Côte d’Ivoire par les différentes crises qu’elle a connues.  

Un contexte socio-politique à priori difficile

Si, depuis lors, l’Etat essaie à travers la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) d’améliorer son système sécuritaire, l’on est malheureusement obligé de constater que les populations sont de plus en plus exposées à l’insécurité sur toute l’étendue du territoire et quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle.

La sécurité humaine reste un idéal à atteindre en Côte d’Ivoire, mais dans le minimum dû, la santé et l’éducation demeurent les véritables besoins des populations ces dernières années et ne sont presque jamais écartées des débats publics.

Ainsi, pour ces quelques lignes, la santé et l’éducation retiendront toute notre attention.

Penser sécurité humaine sans éducation et santé ?

Dans son approche holistique, la sécurité humaine va au-delà de la sécurité physique des personnes et des biens. Elle englobe une série plus ou moins importante de droits de l’individu, dont les uns sont les produits attendus du développement économique et social (pouvoir vivre décemment de son travail, accéder à la santé et à l’éducation) et les autres relèvent des modalités d’exercice du pouvoir (Etat de droit, reconnaissance des libertés fondamentales). Et si tant est que la sécurité humaine a pour objectif de garantir l’épanouissement, le respect des droits fondamentaux et l’intégrité de la personne, c’est qu’elle ne peut être conçue sans prendre en compte l’éducation et la santé qui représentent les principaux besoins d’une population. Il ne semble alors pas anodin qu’ils fassent partie de l’assiette de la sécurité humaine.

L’éducation et la santé sont des composantes importantes dans la sécurité humaine et constituent un pilier essentiel de la stabilité, elle-même essentielle au développement et à la croissance économique de tout pays, comme l’a signifié aussi Jean Jacques Konadjé dans la revue géopolitique du 29 avril 2012, la Côte d’Ivoire : la sécurité humaine à l’épreuve.

L’éducation et la santé en matière de sécurité humaine en Côte d’Ivoire

En cette période de réconciliation nationale, les questions de sécurité figurent en bonne place sur l’agenda des dossiers que le gouvernement ivoirien traite dans l’urgence. D’ailleurs, le Président Alassane Ouattara ne cesse de rappeler dans ses discours que le premier défi majeur que son équipe doit relever est bien évidemment la sécurité des biens et des personnes. Cependant, toutes ces bonnes intentions sont souvent contrées par des réalités complexes du terrain.

Dernièrement, les systèmes éducatif et sanitaire ont été bouleversés par les différentes crises et par le covid-19. A l’analyse, on peut admettre que d’un point de vue technique ces points constituent une priorité pour l’Etat de Côte d’Ivoire.

Pour l’année 2021, le budget de l’éducation nationale occupe environ 12% du budget national avec 1001,9 milliards de nos francs et celui de la santé et l’hygiène publique occupe environ 5% du budget national avec 414,2 milliards de nos francs, pour un budget national global de 8 621,1 milliards de FCFA. Ces budgets doivent cependant être appréciés en fonction des défis de chaque domaine.

Selon l’UNICEF Côte d’Ivoire, c’est plus de 1,6 millions d’enfants qui ne vont pas à l’école et la majorité sont des filles ; 2 enfants sur 3 n’accèdent pas au lycée ; près d’un 1 enfant sur 4 ne termine pas l’école primaire. 1 sur 2 le collège. Seulement 15% des enfants âgés de 3 à 5 ans fréquentent un établissement scolaire.

Et la cause de ces situations est, entre autres, l’insuffisance ou le difficile accès à un établissement éducatif de proximité, les mariages précoces et forcés, les grossesses en milieu scolaire, la pauvreté, etc.

Malheureusement, toutes ces situations perdurent malgré l’existence de la loi qui rend obligatoire l’école jusqu’à l’âge de 16 ans et du concept de « l’école gratuite ».

Concernant le domaine de la santé on peut noter l’indisponibilité des infrastructures, des équipements du niveau moyen des plateaux médico-techniques, le non-affichage systématique des coûts des actes médicaux et des protocoles de soins, l’insuffisance d’ambulances fonctionnelles, la faible capacitée d’accueil et l’insalubrité. Ces données ont été recueillies par le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) en 2019. On pourrait ajouter aussi l’inadaptabilité ou la faiblesse du système sanitaire à faire face à une crise sanitaire telle que le covid 19.

Le système sanitaire a d’ailleurs essuyé récemment de vives critiques de la part de l’opinion publique suite à des incidents survenues dans les mois d’avril et de mai 2021, concernant les décès d’une jeune femme à l’hôpital général d’Adzopé et de deux enfants au CHU de Cocody. 

Face à toutes ces faiblesses constatées, il serait intéressant dans un premier temps que l’Etat prévoie ou envisage dans le semestre prochain des états généraux de la santé et de l’éducation. Afin d’adapter ces secteurs à l’évolution sociale et technologique ; et aussi faire un suivi-évaluation de la gratuité de l’école ainsi que de l’école obligatoire. En outre l’Etat devrait veiller à faire un suivi-évaluation des initiatives qu’il prend afin de mesurer leurs impacts et les améliorer au besoin.

Puis, dans un second temps, dans une dynamique de gestion démocratique de la sécurité, il faudrait initier des ateliers de renforcements de capacités des organisations de la société civile intervenant dans le domaine de la santé et de l’éducation pour des actions conjuguées en appui aux actions gouvernementales.

Par Déborah Marie-Estelle N’GUESSAN 

Juriste, Experte Junior (Droits de l’Homme – Sécurité humaine)
Féministe, Blogueuse

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