Dr Adouko Patricia (médecin du travail) : « le stress fait perdre 1 milliard de dollar par an »

« Selon l’Oms, le stress au travail coûte 1 milliard de dollar de pertes de productivités par an au niveau de l’économie mondiale », a déclaré Dr Adouko Patricia, médecin du travail et présidente de l’Associaion des manageurs pour la santé et la qualité de vie au travail (Am-Qvt).
C’était à l’occasion de son discours inaugural de la troisième édition du Forum Santé et mieux-être au travail (Forum Smet) qui a eu lieu du 5 au 6 décembre, à Abidjan, autour du thème : « le mieux-être au travail, facteur de croissance et de performance ».
Selon Dr Adouko Patricia, cela témoigne de l’impact négatif du stress au travail sur les employés et cet impact va se traduire en entreprise par une faiblesse d’engagement des collaborateurs, des erreurs accrues dans la mise en œuvre des activités et, par ricochet, par la baisse de la compétitivité des entreprises.
« A côté du coût, il y a l’impact lié aux accidents de travail et des maladies professionnelles qui impactent également les performances », explique-t-elle.
Les maladies musculosquelettiques sont les premières causes des arrêts de travail
Pour l’experte, en milieu professionnel, il n’y a pas que les maladies professionnelles, « nous avons aujourd’hui les maladies chroniques qui deviennent un handicap qui empêchent les travailleurs d’être performants dans leurs milieux de travail. Ces maladies engendrent une perte significative, notamment les troubles musculosquelettiques (douleurs qui parfois lorsqu’elles s’installent évoluent vers la chronicité et deviennent un handicap). Ce sont les premières causes de la baisse des performances des travailleurs dans le monde selon l’OMS. Elles représentent 60% des arrêts de travail prolongés lorsqu’on se réfère aux statistiques au niveau mondial, on observe aussi un faible engagement de nos employés ».
A en croire Dr Adouko, les études ont montré le faible engagement de la jeune génération. « Les jeunes ne se donnent pas suffisamment au travail mais à contrario, ils espèrent être mieux rémunérés et veulent vite évoluer », fait-t-elle remarqué. Avant d’ajouter qu’une enquête a révélé que seulement 15% des employés sont véritablement engagés. En effet, la nouvelle génération à d’autres besoins. C’est pourquoi, il importe de prendre en compte le bien-être des collaborateurs car lorsque ce bien-être n’est pas pris en compte, on a un turnover fréquent. « Vous avez dans l’équipe des gens que vous formez qui dès qu’ils maitrisent l’activité changent d’entreprise et cela affecte la productivité de votre entreprise et baisse la créativité de l’entreprise », dénonce-t-elle.
Dr Adouko Patricia souligne qu’en Afrique, les travailleurs sont confrontés à des conditions de travail très souvent inadaptées. « On démarre l’activité sans étude ergonomique, ce qui ne permet pas au travailleur de mener convenablement l’activité alors que l’une des recommandations en santé du travail est d’adapter le travail à l’homme; mais sous les tropiques, on a l’impression que c’est le travailleur lui-même qui doit s’adapter au travail. Sans compter les surcharges au travail (un poste qui devrait être occupé par deux ou trois collaborateurs est assuré par une seule personne à cause des moyens économiques qui font défaut, un seul individu doit gérer la charge de travail de plusieurs personnes). Les horaires prolongées, absence de politique en santé mentale pour accompagner les travailleurs ».
Le mieux-être au travail produit des résultats satisfaisants
Selon les études, une entreprise qui dispose de programmes structurés de bien être à des résultats probants et une baisse du stress en son sein et une chute des maladies professionnelles. La question du mieux-être au travail doit donc être une préoccupation constante pour les entreprises car avec les bonnes pratiques, les entreprises peuvent transformer les défis en opportunités », a-t-elle indiqué.
Ce sont autant de défis qui appellent les entreprises à repenser leur gestion du personnel. Ce forum est donc l’occasion de réfléchir sur les bonnes pratiques en milieu professionnel en mettant l’accent sur un environnement qui permet de prendre en compte les besoins des travailleurs et de réduire le stress au maximum. « Il est important de retenir que les entreprises qui investissent dans le bien-être arrivent à retenir le talent », dira-t-elle.
La santé et le mieux-être au travail comme leviers de performance stratégique de l’entreprise
Avant d’ajouter que l’histoire a montré que certaines entreprises qui ont introduit des programmes de soutien mental et un accompagnement pour une alimentation saine dans leur environnement ont vu leur taux de turnover baissé de 30%, d’autres aussi qui introduit des activités sportives (le Yoga), des ateliers nutritionnels et consultations psychologiques qui ont observé une hausse de 25% des idées innovantes en faveur de leur entreprisse.
C’est dire qu’en prenant en compte des besoins des collaborateurs et en ayant des rudiments pour réduire la charge de travail et le niveau du stress, cela permet d’avoir des équipes plus stimulées à mieux travailler.
« La santé de nos collaborateurs est le socle de leurs performances et donc de la prospérité de notre entreprise, il n’y a de plus grande richesse que la santé », souligne Dr Adouko.
Le forum Santé et Mieux-être au travail est donc une tribune pour repenser le travail. « Aujourd’hui plus que jamais, les entreprises ivoiriennes font face à des défis économiques, sociaux et environnementaux majeurs, nous avons tous la pression pour être productifs, dans un monde globalisé qui pousse parfois à négliger le facteur clé de réussite qui est le capital humain. Pourtant, les études montrent que le bien-être des collaborateurs est l’un des moteurs principaux de la performance des organisations », a-t-elle dit.
Pour Dr Adouko, la santé au travail ne concerne pas seulement la prévention des maladies mais c’est aussi créer un cadre où chaque personne peut s’épanouir et donner le meilleur d’elle-même. « La santé et le mieux-être sont des leviers de performance stratégique de nos entreprises », dira-t-elle.
Le forum Smet donne également l’occasion de montrer que le travail peut être source de croissance et non d’épuisement.
Autant dire que le mieux-être au travail est moteur de croissance et de performance. C’est donc pour transformer nos pratiques pour maximiser ses bénéfices, que se tient ce forum. Il s’inscrit dans la dynamique du projet Healthdiets4Africa dans lequel est engagé un consortium de 11 pays dont la Côte d’Ivoire. Un projet financé par l’union européenne.
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