Accord FMI–Côte d’Ivoire : CIVIS demande « une gouvernance économique au service des citoyens »
COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Abidjan, le 6 octobre 2025
Suite à l’annonce, le 30 septembre 2025, de l’accord conclu entre le Fonds Monétaire International (FMI) et la Côte d’Ivoire au niveau des services sur la cinquième revue des accords au titre du Mécanisme Elargi de Crédit (MEDC) et de Facilité Elargie de Crédit (FEC), et la quatrième revue de l’accord au titre du Fonds pour la Résilience et la Durabilité (FRD) ; CIVIS Côte d’Ivoire, salue les efforts entrepris par les autorités ivoiriennes pour renforcer la stabilité macroéconomique et obtenir l’appui financier du FMI.
Cependant, CIVIS Côte d’Ivoire tient à exprimer ses préoccupations quant aux répercussions possibles de ces mesures sur les populations vulnérables, l’équité sociale et la durabilité environnementale. Si l’accord met en avant une performance économique « satisfaisante » et une résilience notable, il aborde de manière insuffisante les défis structurels persistants et les risques socio-économiques auxquels les citoyens restent exposés.
CIVIS Côte d’Ivoire attire particulièrement l’attention sur plusieurs enjeux majeurs : l’inflation, les réformes fiscales, la mobilisation des recettes, le déficit budgétaire et l’intégration du changement climatique dans les politiques publiques. Si ces orientations peuvent sembler prometteuses sur le papier, elles soulèvent néanmoins des interrogations quant à leur portée inclusive, leur efficacité concrète et leur capacité à répondre durablement aux besoins sociaux et environnementaux du pays.
- L’inflation et le pouvoir d’achat : vigilance sur les prix réels des biens et services essentiels non importés
Le FMI anticipe une diminution de l’inflation à environ 1% en moyenne pour 2025, en partie grâce à la baisse des prix à l’importation de denrées alimentaires (comme le riz et le blé).
CIVIS Côte d’Ivoire craint que cette faible inflation ne soit pas structurelle, mais dépendante de facteurs externes volatils comme les prix mondiaux des produits de base. Une dépendance aux prix internationaux pour contenir l’inflation expose la Côte d’Ivoire aux chocs externes et ne garantit pas la stabilité à long terme des prix des produits locaux.
CIVIS Côte d’Ivoire invite les autorités à veiller à ce que les politiques de stabilisation des prix couvrent également les biens et services essentiels non importés, notamment le logement, le transport et la santé, afin que la maîtrise de l’inflation se traduise par un réel renforcement du pouvoir d’achat des citoyens, au-delà des performances affichées dans les indicateurs macroéconomiques.
- Les réformes fiscales : nécessaires mais dans la transparence et l’équité
Les autorités ivoiriennes prévoient de porter les recettes fiscales à 15,7% du PIB en 2026 (contre 15% en 2025), en élargissant l’assiette de l’impôt et en renforçant le respect de la réglementation conformément à la Stratégie de Mobilisation des Recettes à Moyen Terme (SRMT).
Ces réformes fiscales risquent d’accroître les inégalités si l’élargissement de l’assiette fiscale touche disproportionnellement les petites et moyennes entreprises (PME) et les travailleurs informels, qui représentent une grande partie de l’économie ivoirienne, sans cibler efficacement les niches fiscales, les élites, les grandes entreprises ou les multinationales dans les secteurs miniers et pétroliers. Le renforcement de la transparence dans la mise en œuvre des réformes fiscales (à travers, par exemple, des audits indépendants et des consultations publiques) permettrait de dissiper les inquiétudes liées à de possibles perceptions de corruption ou d’influence excessive d’intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.
La marge de manœuvre budgétaire supplémentaire générée doit être affectée en toute transparence à l’augmentation des dépenses dans les secteurs sociaux prioritaires et les investissements stratégiques.
CIVIS Côte d’Ivoire demande une plus grande transparence, avec la publication de rapports détaillés sur l’impact social de ces réformes et une inclusion des organisations de la société civile (OSC) dans leur élaboration pour éviter qu’elles ne deviennent un fardeau pour les classes moyennes et basses, tout en favorisant une transformation économique inclusive vers le statut de pays à revenu intermédiaire supérieur.
- La mobilisation fiscale : des objectifs ambitieux mais insuffisants pour les besoins sociaux
La mobilisation des recettes est présentée comme un pilier du rééquilibrage budgétaire, avec une hausse prévue de 15% du PIB en 2025 à 15,7% en 2026. Cela créerait une « marge de manœuvre » pour financer les dépenses sociales et infrastructurelles, alignées sur le Plan National de Développement (PND).
CIVIS Côte d’Ivoire trouve ce niveau de mobilisation des recettes trop modeste au regard des défis démographiques et sociaux de la Côte d’Ivoire, où les investissements en santé, éducation et emploi des jeunes demeurent insuffisants. Cette mobilisation repose sur une maîtrise des dépenses, qui pourrait se traduire par des réductions budgétaires dans des secteurs sociaux essentiels susceptibles d’aggraver la vulnérabilité des plus démunis. De plus, sans une lutte effective contre l’évasion fiscale souvent facilitée par les avantages préférentiels du Code des investissements octroyés aux investisseurs étrangers, ces efforts risquent de ne pas atteindre leur potentiel.
CIVIS Côte d’Ivoire plaide pour une mobilisation fiscale plus ambitieuse, orientée vers la justice sociale avec des allocations ciblées pour réduire les inégalités et promouvoir un développement durable, plutôt que de prioriser uniquement la conformité aux normes de l’UEMOA.
- Le déficit budgétaire et les dépenses sociales : équilibrer prudence et impact social
Le FMI salue la maîtrise des dépenses qui a conduit à un rééquilibrage budgétaire considérable. L’accord met en avant un déficit budgétaire en voie d’atteindre le plafond de 3% du PIB fixé par l’UEMOA, pour la première fois depuis 2023 et insiste sur une politique prudente en 2026.
Du point de vue de CIVIS Côte d’Ivoire, ce plafond agit comme un « point d’ancrage » pour la viabilité de la dette, mais il contraint sévèrement les investissements publics dans un pays en pleine croissance (prévue à 6,3% en 2025). Nous rappelons que la maîtrise des dépenses ne doit pas se faire au détriment de l’investissement dans le capital humain. La réduction du déficit budgétaire ne doit donc pas entraîner une dégradation de la qualité ou de l’accessibilité des services publics essentiels.
CIVIS Côte d’Ivoire demande des garanties claires sur le maintien et l’augmentation des dépenses sociales prévues.
Alors que le FMI salue la reconstitution des réserves régionales équivalentes à 5,5 mois d’importations à fin août 2025, CIVIS Côte d’Ivoire souligne que cette prudence macroéconomique pourrait sacrifier des besoins immédiats, comme la lutte contre la pauvreté ou l’adaptation aux chocs climatiques. Un déficit budgétaire trop rigide risque d’exacerber les tensions sociales, surtout si les bénéfices de la croissance (tirée par les services, hydrocarbures et mines) ne ruissellent pas vers les populations.
CIVIS Côte d’Ivoire exhorte à une flexibilité accrue dans le cadre régional, avec des évaluations indépendantes de la dette pour s’assurer que les décaissements du FMI (843,9 millions de dollars au total) servent prioritairement aux secteurs sociaux, et non à rembourser des prêts antérieurs.
- La prise en compte budgétaire du changement climatique : des réformes prometteuses mais superficielles
L’accord au titre de la Facilité pour la Résilience et la Durabilité (FRD) est une avancée positive, avec des discussions portant sur des mesures comme le marquage des dépenses sensibles au climat, l’évaluation des risques budgétaires liés au climat, l’intégration des considérations climatiques dans la gestion des investissements publics et la mise en œuvre d’un système d’audit énergétique. Ces réformes sont essentielles pour renforcer la résilience, dans un pays hautement vulnérable aux chocs climatiques.
La seule identification des dépenses à travers un marquage budgétaire et l’évaluation des risques ne constituent pas, en elles-mêmes, une réponse suffisante. En l’absence d’une allocation effective de ressources financières, le marquage risque de demeurer un outil cosmétique, sans incidence tangible sur les priorités d’adaptation communautaire, telles que le développement d’une agriculture résiliente ou la protection des zones côtières.
Les risques climatiques, bien que mentionnés, ne semblent pas quantifiés en termes d’impact sur les populations vulnérables, comme les agriculteurs touchés par les inondations ou la sécheresse. De plus, l’absence de participation citoyenne dans ces processus – via des consultations avec les ONG environnementales – risque de privilégier des projets d’atténuation (comme l’énergie verte) au détriment de l’adaptation immédiate.
CIVIS Côte d’Ivoire appelle à une budgétisation climatique plus holistique, avec des indicateurs mesurables et des fonds dédiés aux communautés affectées, pour que ces réformes ne se limitent pas à des engagements formels mais contribuent véritablement à une transition juste.
CIVIS Côte d’Ivoire demande que les évaluations des risques budgétaires liés au climat soient rendues publiques et que les mesures d’adaptation se traduisent par des actions concrètes de résilience au niveau des communautés les plus exposées.
Conclusion :
En conclusion, bien que l’accord FMI – Côte d’Ivoire marque des avancées macroéconomiques, CIVIS Côte d’Ivoire recommande une plus grande inclusion des voix citoyennes dans les futures revues du FMI, des audits indépendants et une réorientation des fonds vers les priorités sociales et environnementales. Sans cela, ces programmes risquent de perpétuer les inégalités plutôt que de promouvoir un développement inclusif pour tous les Ivoiriens.
CIVIS Côte d’Ivoire invite donc les autorités à inscrire leurs décisions dans une logique de justice sociale, de transparence et de durabilité.
« Les citoyens demandent : une économie au service du peuple, et non l’inverse. »
Messages clés – Accord FMI–Côte d’Ivoire
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